On change d’avis comme de chemise 

Fast-food, fast-fashion, fast-life, fast-car… alerte à l’excès de vitesse ! Il faut le dire, depuis plusieurs décennies, nos rythmes de vie ne cessent de s’accélérer dans l’optique de satisfaire nos besoins dans l’immédiat, de copier une image répondant à des canons de beauté construits de toute part, ou encore d’être dans le « mood » du moment, au bon moment. Bienvenu dans notre société de consommation. Pour y voir un peu plus clair, le concept de société de consommation renvoie à l’idée d’un système économique et social fondé sur la stimulation systématique d’un désir de profiter des biens de consommation et de services de façon toujours plus importante.

Cette consommation de biens et de services s’est infiltrée plus que rapidement dans tous les secteurs, y compris celui de la mode et du textile. On parle aujourd’hui d’une véritable culture de la mode et du vêtement car avouons-le, personne n’a jamais été plus au fait concernant la fashion-week de Paris ou l’ouverture du dernier pop-up de Simon Porte Jacquemus, merci Léna Situations.

Ces évènements érigent la mode en star, mise sous le feu des projecteurs et promeuvent constamment les stylistes – indémodables comme ceux de la maison de haute-couture Chanel mais aussi les plus prometteurs, comme Ester Manas qui a fait sensation dernièrement – mais encore l’innovation textile à l’image de la maison Coperni qui a créé une robe en spray et l’a testée en direct, sur l’iconique Bella Hadid.

Ainsi donc, l’industrie de la mode ne s’est jamais aussi bien portée, preuve en est, les Crocs ont fait leur grand retour cet été, qui l’aurait cru. Malheureusement, malgré la revendication d’un savoir-faire unique, l’industrie de la mode cache bien des zones d’ombre, à commencer par l’entretien constant du désir des consommateurs d’acheter sans s’arrêter. Effectivement, tous ces défilés programmés minutieusement font fi de ce qui les entoure tant qu’ils réussissent à capter une nouvelle clientèle et à s’enrichir. Le cycle de la mode est devenu plus rapide que jamais et résonne en continu auprès des consommateurs, en témoignent les 10 milliards de vêtements importés en France en 2020 et le rebond de 33% dans la vente de vêtements en 2022. L’expression « on change d’avis comme de chemise » n’aura jamais été si tendance. En effet, les marques de mode sont encouragées à renouveler leurs propositions pour entretenir la demande et assurer leur pérennité, mais aussi à produire en masse des vêtements bon marché pour répondre à cette demande insatiable. Ainsi perçons-nous à jour le mécanisme des grandes enseignes du textile, que nous connaissons évidemment mais que nous subissons tous, même quand c’est un achat « exceptionnel ».

Par ailleurs, et nous abordons là un problème de taille, la société de consommation de vêtements est loin du sur-mesure en matière de conditions de travail. Celles-ci sont le plus souvent précaires, misérables et la plupart du temps elles ne garantissent pas un niveau de vie suffisant. Les pays en développement souffrent particulièrement du processus de fabrication des vêtements car ce sont eux qui possèdent la main d’œuvre la moins chère. Ils fournissent donc des travailleurs qui œuvrent tant bien que mal dans des conditions extrêmement fatigantes, sans aucune promesse de stabilité ou de promotion. Ne parlons même pas des enfants. Fidèle à elle-même, l’industrie textile, incontestablement un des fers de lance de notre société capitaliste, s’illustre de tous les côtés comme un monstre privant d’une part les mannequins de manger quoi que ce soit d’autres que des graines, et d’autre part les ouvriers de leur condition humaine.

Pour autant, en France, l’industrie textile rapporte 67 milliards d’euros de valeur ajoutée chaque année, soit 2,7% du PIB. Ces chiffres placent ainsi directement le secteur du textile au cœur du système industriel et découragent donc forcément toute volonté d’adaptation des grandes firmes au sujet du processus de production ou des ressources humaines. De fait, les cycles de la mode et les soldes continuent de rythmer nos modes de vie en produisant chaque saison une nouvelle collection à ne manquer sous aucun prétexte. D’où une inquiétude générale explicitée par Juliette Garnier :

« Aujourd’hui, on parle beaucoup du gaspillage alimentaire. Mais, au fond, ce gaspillage est aussi vestimentaire, et il ne concerne pas que les invendus des marques. Cela étant, on ne parviendra à rien dans ce secteur si on dit aux consommateurs qu’il leur faut se passer de la mode. C’est le secteur qui doit s’adapter. Toutefois, le sujet du développement durable est aujourd’hui trop perçu comme un sujet de conformité réglementaire, et non pas comme un sujet stratégique au sein de l’entreprise, un sujet d’innovation, ce qu’il est pourtant. »

Juliette Garnier, Le Monde

On comprend clairement ici que les tentatives d’innovation pour se tourner vers un mode de consommation vestimentaire plus vert, plus tendance sont peu nombreuses et peinent à voir le jour.

Et pourtant, malgré ces difficultés, elles existent bien et font face à la société de consommation aliénante. Par exemple, côté production, les marques de mode éthique et durable proposent des vêtements de qualité supérieure, fabriqués de manière responsable et dans de meilleures conditions de travail. Côté consommation cette fois, les consommateurs peuvent choisir de faire des achats plus réfléchis, en investissant dans des vêtements de qualité qui dureront plus longtemps et en choisissant des marques qui respectent les normes éthiques et environnementales, sortant ainsi d’une logique d’achat compulsifs et instantanés.

Plus récemment encore, la seconde-main arrive en force et touche de plus en plus de consommateurs par son côté soucieux de l’environnement. Ainsi des projets voient le jour. C’est le cas du vide-dressing caritatif VEST’HIER. Soutenu par des friperies associatives, ce vide-dressing s’engage dans un mode de consommation plus respectueux en proposant une vente de vêtements de seconde main, réduisant donc le gaspillage vestimentaire. Cet évènement se déroulera le 29 mars 2023 à Grenoble. Revendiquant des valeurs écoresponsable et solidaire, VEST’HIER collabore avec l’association 2 kg de culture qui propose une participation à l’évènement en apportant 2 kilos de denrées alimentaires non périssables qui seront par la suite reversées à la banque alimentaire étudiante.

Ainsi VEST’HIER propose une solution pour lutter contre la fast-fashion et l’obsession de la possession, avec un esprit novateur, dans l’ère d’un temps où la pollution, le gaspillage et la surconsommation doivent disparaître.

En fin de compte, la société de consommation des vêtements est un phénomène complexe qui a des conséquences importantes pour l’environnement, les travailleurs de l’industrie de la mode et les consommateurs eux-mêmes. Il est important de prendre conscience de ces enjeux et de chercher des alternatives plus durables et responsables, à l’image de VEST’HIER et de toute la grappe d’innovations qui émerge tant bien que mal dans le but de changer nos mentalités et nos habitudes, ce qui nous permettra de garder tout le plaisir que nous avons lorsque nous achetons nos vêtements.

Par Emma Darmostoupe, le 22 février 2023.

Sources

Informations supplémentaires sur l’évènement VEST’HIER


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